Oui je sais, c’est très difficile de pardonner.
Pourtant dans le Notre Père nous disons : « Pardonne-nous le mal que nous avons fait comme nous pardonnons à ceux qui nous en ont fait. » C’est facile à dire mécaniquement, mais dans les faits, c’est très difficile de pardonner. La preuve, c’est que l’on entend très souvent :
« Je ne lui pardonnerai jamais ! »
Le mal que l’on a fait à quelqu’un laisse des traces éternelles, il ne faut jamais oublier que le Christ est ressuscité avec ses plaies.
Avant, d’avoir moi-même été victime de quelqu’un qui m’a fait du mal, lorsque j’entendais les déclarations de personnes qui ne voulaient pas pardonner, j’avais un discours moralisateur. « Tournez la page, il faut pardonner… et patati et patata… » Ceux et celles qui n’ont jamais été trahis ne peuvent pas comprendre que ça n’est pas si facile que ça. Avant de tourner la page, il faut d’abord l’avoir lue.
Le risque alors, est d’avoir de la haine ! Malheureusement, il faut savoir que la haine fait du mal à celui qui en a, pas à celui qui est détesté. Pour commencer, il vaut mieux se réfugier dans le mépris, l’indifférence…
Pardonner, ce n’est pas naturel, c’est une grâce, un charme que tout le monde n’a pas la chance de pouvoir envisager. Pourtant, il va bien falloir un jour souhaiter que vienne le temps du pardon définitif. Se dire : « Je crois que je suis prêt, seul je ne pourrais pas, mais sens que la grâce de Dieu est prête à me porter jusque-là, ce serait un miracle ! » Mais cela ne peut être fait qu’en vérité, on ne peut pas forcer quelqu’un à pardonner, impossible ! Il serait peut-être temps de demander à Dieu la grâce d’avoir au moins le désir de pardonner.
D’accord, il faut songer à pardonner, mais on ne peut pas pardonner à quelqu’un qui ne vous demande pas pardon. C’est vrai que le Christ a pardonné à ses bourreaux : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font, » mais dans beaucoup de cas, celui qui détruit une vie, savait très bien ce qu’il faisait ! On ne peut donc pas lui pardonner si facilement, ceci d’autant plus que le mal qu’il a fait, parfois, continue. Pendant ce carême, il nous faudra peut-être apprendre à réciter, sans tricher, le « Notre Père » jusqu’à sa conclusion.
Bien sûr, nous aimerions pardonner. Nous aimerions pouvoir dire : « Je te pardonne ! » Notre souhait le plus cher, pour nous débarrasser du poids de la haine, serait qu’il cherche à nous rencontrer en vérité et qu’il nous dise : « Je te demande pardon. » Alors, nous serions immensément heureux et nous nous réconcilierions bien volontiers ; ça nous libérerait. Malheureusement, il ne viendra sans doute jamais, il est probablement trop pervers pour cela. Nous aimerions qu’il prenne au moins conscience de ce qu’il nous a fait. Notre vengeance sera le pardon. Pardonner, c’est faire un don, le pardon se donne, personne ne peut le refuser. Il n’y a pas d’amour possible sans pardon.
Seigneur ! Inspire aux coupables de venir demander pardon à ceux à qui ils ont volontairement fait du mal, et inspire aux victimes de désirer ce pardon !
P. Françoise LEFORT